Nous savons tous qu’il est important de protéger notre peau du soleil, mais pouvons-nous obtenir une protection pour notre crème solaire ? La décision
T 2275/18 récemment publiée par l’Office Européen des Brevets examine dans quelle mesure une méthode d’utilisation d’une composition fournissant une protection solaire peut être brevetable.
C’est un principe bien établit que les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique sont exclues de la brevetabilité en Europe. Dans cette décision, la Chambre de recours examine si une méthode d’application d’une composition fournissant une protection solaireest toujours intrinsèquement thérapeutique et donc non brevetable selon l’article 53(c) de la CBE.
L’affaire concerne un recours formé par un opposant contre une décision de la division d’opposition de rejeter la revendication 14 de la demande principale du brevet EP2934458. Le brevet en question concerne un mélange actif contenant du butyle méthoxydibenzoylméthane (BMDM), un agent filtrant UVA connu.
La division d’opposition a déterminé qu’une composition de soins personnels contenant du BMDM prévient ou réduit inévitablement le risque d’états pathologiques provoqués par les dommages causés par les UV. C’est pourquoi l’effet prophylactique de l’agent de protection contre les UV ne peut être séparé de l’utilisation cosmétique de la composition. Par conséquent, la division d’opposition a déterminé que la protection UV est intrinsèquement thérapeutique. De cette conclusion, il s’ensuit que toutes les méthodes d’application d’une composition qui contient un ingrédient assurant une protection contre les UV ne sont pas brevetables, peu importe le disclaimer.
En appel, la Chambre a déterminé que la demande divulguait à la fois des utilisations thérapeutiques et des utilisations non thérapeutiques. En particulier, la composition était divulguée dans la demande pour être utilisée dans des produits tels que le shampoing, l’après-shampoing ou le gel douche. Étant donné que les agents de protection solaire ne sont actifs que lorsqu’ils sont exposés au rayonnement UV, ces applications ne fourniraient pas de protection UV, même en tant qu’effet secondaire inévitable. Par conséquent, la Chambre a considéré que la revendication pouvait être interprétée, compte-tenu du disclaimer, comme visant des applications non thérapeutiques de la composition.
La Chambre a estimé que l’approche de la division d’opposition, selon laquelle l’effet prophylactique contre les coups de soleil ne pouvait être séparé des utilisations cosmétiques lors de l’application d’une composition contenant un agent de protection contre les UV sur la peau humaine, était beaucoup trop large. La Chambre a souligné qu’en appliquant cette approche, on interpréterait des activités quotidiennes standard, telles que se laver ou porter des vêtements, comme apportant un bénéfice thérapeutique. En effet, les agents de protection solaire ne sont actifs que lorsqu’ils sont exposés aux rayons UV. De ce fait, la Chambre a estimé que l’utilisation d’un tel agent comme gel douche, par exemple, ne pouvait être considéré comme fournissant un traitement thérapeutique. En conséquence, la Chambre a estimé que la méthode d’application sur la peau humaine d’une composition de soins personnels comprenant des agents de protection solaire connus pouvait être à la fois thérapeutique et non thérapeutique, et a jugé la revendication recevable en vertu du disclaimer.
En conclusion, l’application d’agents de protection UV n’est évidemment pas brevetable en soi, car elle représente un objet exclu. Cependant, l’inclusion d’un agent de protection UV dans une composition n’empêche pas en tant que telle l’application de cette composition d’être brevetable. Cette affaire souligne l’importance d’inclure toutes les utilisations prévisibles d’un produit lors de la rédaction d’une demande afin de prévoir une protection contre des objections inattendues.