L'histoire des brevets remonte au moins au statut des brevets vénitiens de 1474, voire plus loin encore. Au cours de cette période, le système des brevets a souvent eu du mal à s'adapter aux nouvelles technologies, comme en témoigne le débat actuel sur les inventions mises en œuvre par ordinateur. La façon de traiter l'intelligence artificielle (IA) représente le dernier défi auquel le système des brevets est confronté et l'Office britannique de la propriété intellectuelle (UK-IPO) aimerait savoir ce que vous en pensez en ouvrant une consultation sur l'IA et la PI.
Avec l'IA, un système d'algorithmes peut être entraîné en utilisant des données et les données forment ou adaptent effectivement les algorithmes. Cette approche a déjà été adoptée, et elle a le potentiel d'être véritablement transformatrice, dans un large éventail d'applications.
Une IA innovante et nouvelle est potentiellement brevetable, du moins au Royaume-Uni et en Europe, à condition qu'elle soit spécifiquement appliquée à une application technique donnée (IA appliquée) ou qu'elle soit spécifiquement adaptée aux caractéristiques techniques du système sur lequel elle est exécutée, par exemple en étant adaptée pour mieux utiliser différents types de processeurs pour effectuer des calculs. Toutefois, les inventions qui ne quittent jamais la sphère des mathématiques théoriques, telles que les nouveaux algorithmes génériques d'IA, bien qu'elles nécessitent sans doute autant, sinon plus, d'ingéniosité, ont actuellement peu de chances d'être brevetables au Royaume-Uni et en Europe, sauf si l'un des critères ci-dessus est rempli, c'est-à-dire si elles sont appliquées à une application technique spécifique ou adaptées à un système technique spécifique.
Cependant, l'IA ouvre toute une série de défis pour le système des brevets, dont les racines remontent à l'époque des machines à vapeur et autres dispositifs mécaniques.
Par exemple, que se passe-t-il si l'algorithme de l'IA s'adapte lui-même en fonction des données qu'il reçoit et génère une nouvelle caractéristique innovante du produit. Qui est l'inventeur ? C'est l'une des questions pour lesquelles la consultation de l’Office britannique de la PI recueille des avis.
Nous avons déjà vu des demandes de brevet qui tentent de désigner des algorithmes d'IA comme inventeurs, et qui ont jusqu'à présent été largement rejetées (par exemple, dans l'affaire récente Thaler v. Comptroller-General, la Cour d'appel a rejeté un appel contre la décision de la Haute Cour selon laquelle la demande de brevet d'un particulier qui désignait une machine d'IA comme inventeur avait été rejetée à juste titre par l’Office britannique de la PI, parce qu'un inventeur doit être une personne physique en vertu de la loi sur les brevets de 1977). Il s'agit d'un domaine controversé, car l'inventeur peut être le premier propriétaire du brevet. Le fait de désigner un algorithme d'IA comme inventeur dans une demande de brevet impliquerait-il également de lui permettre de "posséder" le brevet ? Ce serait une étape que beaucoup pourraient trouver désagréable.
La consultation vise également à recueillir des avis sur la protection du droit d'auteur pour les œuvres générées par ordinateur sans auteur humain. Le Royaume-Uni est l'un des rares pays à offrir une protection par le droit d'auteur (50 ans à compter de la date de création de l'œuvre) aux œuvres générées par ordinateur sans auteur humain - l'auteur étant défini comme "la personne par laquelle les dispositions nécessaires à la création de l'œuvre sont prises". La consultation pose la question de savoir si la protection doit être plus ou moins importante que celle offerte actuellement, ou si elle doit être disponible tout court.
Une autre question fréquemment posée est de savoir si les algorithmes d'IA peuvent être entraînés à l'aide de données d'entraînement accessibles au public, par exemple sur internet. Souvent, l'algorithme d'IA peut "parcourir" internet et d'autres sources numériques à la recherche de données appropriées, telles que des images numériques, et s'entraîner sur ces données. Internet est souvent la seule source pratique de données d'entraînement. Cependant, ces données peuvent être protégées par des droits d'auteur et des droits sur les bases de données, et il serait sage de garder cela à l'esprit lorsque l'on envisage d'utiliser des données de tiers pour entraîner un algorithme d'IA.
La consultation de l’Office britannique de la PI cherche également à obtenir des contributions sur cette question de l'exploration et l’exploitation de données (Text and Data Mining « TDM »), en demandant si le cadre actuel du droit d'auteur britannique qui comporte une exception spécifique au droit d'auteur pour le TDM (introduite en 2014) doit être mis à jour pour refléter l'importance de ces techniques dans l'utilisation et le développement de l'IA. D'une part, l'élargissement de l'exemption peut faciliter le développement de l'IA, notamment dans les domaines où il est difficile de trouver de bonnes données d'entraînement. D'autre part, la collecte et le traitement de ces données sous une forme appropriée peuvent souvent nécessiter des ressources importantes et donner lieu à des avantages concurrentiels significatifs dans les algorithmes d'IA qui en résultent, et l'assouplissement de l'exception TDM actuelle pourrait être considéré comme pénalisant ceux qui investissent ces ressources pour créer de bonnes données d'entraînement par rapport à ceux qui cherchent simplement à les exploiter.
Quelles que soient les conclusions, il sera intéressant de voir les résultats de la consultation de l’Office britannique de la PI et la manière dont ils orienteront le traitement du droit d'auteur et des brevets en relation avec l'IA. Un système de propriété intellectuelle établi et prévisible pour l'IA ne peut qu'être bénéfique pour les créateurs, les innovateurs et les utilisateurs de cette technologie de transformation. La consultation se termine le 7 janvier 2022, de quoi réfléchir pendant la période des fêtes ! Pour plus de détails, voir : https://www.gov.uk/government/consultations/artificial-intelligence-and-ip-copyright-and-patents.